jeudi 14 novembre 2013

Chapitre 5. La ville médiévale d'Amance. Une ville à la campagne. Annexe 1 : Les campagnes de Charles le Téméraire

5.16 Annexe I – Amance pendant les campagnes de Charles le Téméraire en Lorraine – Analyse contradictoire des témoignages

Les places forte de Lorraine ont été l'objet d'une partie d'échecs, entre Lorrains et Bourguignons entre 1473 et 1477. Les informations sur Amance pendant cette période sont fragmentaires et partiellement contradictoires, et sa position dans le conflit exige des investigations fouillées.
Tout d'abord, Amance pourrait avoir été cédé aux Bourguignons dès 1473.
Selon Michel Parisse, Charles le Téméraire aurait obtenu à cette date, l'utilisation des châteaux d'Épinal, Darney, et Neufchatel (Neufchâteau ?) au sud et de Amance et Prény au centre pour permettre le passage entre ses possessions du nord (Flandres, Brabant, Luxembourg et Pays Bas) et du sud (Bourgogne et Franche-Comté 1).
On lit également dans l'histoire du château de Frouard2, que Charles le Téméraire aurait obtenu en 1473 l'autorisation de traverser le pays lorrain pour transférer la dépouille de son père des Pays-Bas à sa capitale Dijon. Il visita à cette occasion le château de Frouard (peut-être aussi Amance ? le texte ne le précise pas) et plaça des garnisons dans les places d'Amance, Épinal, Charmes et Darney.
Selon ces sources, les Bourguignons semblent donc bien avoir occupé Amance dès 1473.
Selon d'autres historiens, il n'en est rien, au moins jusqu'en 1475. Après avoir revendiqué la possession d'Amance en 1473, en même temps que celles d'Épinal, Darney et Neufchâteau, le duc de Bourgogne aurait finalement renoncé à cette place et porté son choix sur Prény, position contrôlant directement la vallée de la Moselle. C'est la version de Dom Augustin Calmet entre autres, qui retient que Charles le Téméraire, après avoir revendiqué Amance aurait finalement retenu Prény, forteresse plus moderne et directement placée sur l'axe mosellan.
Christian Pfister, historien de Nancy, va dans le même sens. Il conclut que les places qui avaient été concédées au duc de Bourgogne en 1473, étaient Darney, Dompaire, Épinal, Charmes et Amance. Mais finalement Dompaire et Amance auraient été remplacées par Neufchâteau et Prény 3.
La sélection de documents historiques présentée par Jean Schneider sur les relations entre Lorraine et Bourgogne dans la période 1473 – 1478 permet, selon nous, de trancher le débat.
Les capitaines nommés pour commander les places concédées à Charles le Téméraire y sont cités: André de Haraucourt pour Darney, Jacques de Salm pour Épinal, Gaspard de Raville pour Charmes, le prévôt Pierre Thiebaut pour Dompaire et le prévôt Thiriet pour Amance4.
Amance avait donc bien été cédée aux Bourguignons dès 1473.
Deux ans plus tard, René II ayant renversé ses alliances, Charles le Téméraire envahit la Lorraine et assiégea Nancy. Amance était toujours restée dans le camp bourguignon, ou avait été réoccupée comme l'indique l'épisode du convoi de bétail envoyé par les Bourguignons à leurs alliés messins et interceptés par des habitants de Thézey (sans doute Thézey-Saint-Martin). Ce troupeau de 120 bêtes était conduit par des «gens d'Amance » « qui avaient été requis pour l'encadrer5. »
La ville de Nancy, occupée une première fois en 1475, s'était ensuite révoltée et avait chassé ses occupants. Les Bourguignons ont sans doute évacué Amance quelques temps également, pour revenir peu après assiéger à nouveau Nancy. Pendant ce temps le duc René II était allé chercher des renforts chez ses alliés suisses et alsaciens, pendant qu'une petite troupe lorraine, basée à Gondreville harcelait les Bourguignons cantonnés autour de Rosières-aux-Salines.
Plusieurs coups de main furent organisés par les Lorrains. Parmi ces coups de main figurait le projet d'investir Amance. Un texte précise « trois citoyens courageux, Jean Harnerat, Richard fils de Jean du Chatel et Regnault le Marechal avaient décidé d'introduire de nuit, dans la ville, quelques capitaines de René II. Regnault alla au devant d'eux pour leur servir de guide, mais il ne trouva pas au rendez vous les deux conjurés. La tentative avait été découverte, et les deux malheureux restés dans Amance furent exécutés, leurs biens vendus. René II accorda plus tard aux veuves de Jean Harnerat et de Richard du Chatel l'exemption de toute taille et subvention; il accorda les mêmes privilèges à Regnault le Maréchal qui avait « tout perdu fors son corps6 ».
Les Bourguignons occupaient donc bien Amance à la fin de 1476, et le château put être mis à disposition du roi Alphonse V, roi de Portugal, qui venait visiter Charles le Téméraire, quelques jours avant la bataille de Nancy. L'histoire de cette ville nous renseigne en effet sur les démarches entreprises par Alphonse V, qui ambitionnait le trône de Castille, et recherchait des appuis. Après avoir rendu visite à Louis XI sans succès, il vint rencontrer Charles le Téméraire, avec l'idée de se faire valoir en le réconciliant avec Louis XI.
Il fit donc le voyage de Nancy et vint loger le 29 décembre au château d'Amance, puis se rendit à la tente de Charles le Téméraire qui faisait le siège de Nancy.
Celui ci « le régala de vins et d'épices » selon l'expression des historiens, mais ne voulut entendre parler de paix. Finalement Alphonse V se retira à Amance, et de là regagna Nomeny. Quelques jours après, le 5 janvier, se déroulait la bataille de Nancy où les Bourguignons furent écrasés par les Lorrains et leurs alliés. Les Bourguignons survivants tentèrent de fuir par le pont de Bouxières-aux-Dames sur la Meurthe et y furent attaqués par un détachement des mercenaires payés par les Bourguignons, qui tenait le château de Condé (Custines). Leur capitaine, Campo Basso avait changé de camp. Beaucoup se noyèrent, d'autres furent rattrapés, dit le récit, en tentant de regagner Condé ou les hauteurs d'Amance.
Un autre personnage local s'illustra à cette occasion: Il s'agit du messager Jean Huin de Laneuvelotte, qui réussit à franchir les lignes bourguignonnes pendant le siège de Nancy, et apporta aux assiégés la nouvelle de l'arrivée des renforts lorrains, ce qui les aida à tenir bon quelques semaines de plus. Jean Huin reçu du duc l'affranchissement de toute taxe7.

1 Parisse 1990 p. 221
2 DEZAVELLE (Emile). Notice historique sur Frouard Nancy, R. Poncelet, 1932, 140 p
3 Pfister tome I p. 389
4 SCHNEIDER (Jean). Lorraine et Bourgogne (1473-1478). Choix de documents: 1473-1478, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1982, 283 p. p. 29 nota 2
5 SCHNEIDER (Jean). op. cit. p. 104 nota 2
6 Pfister p. 443 -444
7 Pfister tome I p. 443-446

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